Détenues

Épisode

7

Julie (1/3)

Dans cette série, nous donnons la parole aux femmes détenues. Elles représentent 4%de la population carcérale en France.
Julie est mariée et la mère de trois enfants lorsqu’elle est condamnée à une peine d’emprisonnement ferme en audience de comparution immédiate, à la suite d’un accident de voiture impliquant une victime. Incarcérée au sein d’une maison d’arrêt présentant un taux d’occupation particulièrement élevé, Julie raconte sa cohabitation contrainte dans une cellule occupée par cinq autres femmes et ses difficultés à maintenir ses liens familiaux.  
Détenues est une série produite par Insider Podcast sous la direction d'Adèle Humbert et d'Emilie Denètre.
Durée : 
11
min.
3.6.2021
complément d'enquête. complément d'enquête. complément d'enquête. complément d'enquête. complément d'enquête. complément d'enquête. complément d'enquête. complément d'enquête. complément d'enquête.

Julie (1/3)

Ci-dessous, nous vous proposons un éclairage d'Eva Goron, avocate pénaliste, sur l'épisode que vous venez d'écouter :

L’incarcération rapide de Julie

 

« J’ai été transférée au parquet, en comparution immédiate, j’ai encore attendu toute une journée et ils m’ont mise en détention provisoire »

En moins de 48h, Julie a été interpellée dans le cadre d’une enquête de flagrance, placée en garde à vue, puis déferrée en audience de comparution immédiate où elle a été placée en détention provisoire pendant trois semaines, le temps de préparer sa défense avec son avocat.
Lors de l’audience de renvoi, le tribunal correctionnel l’a condamnée à la peine d’un an d’emprisonnement ferme pour des faits de violence avec arme par destination (la voiture ayant été appréhendée comme une arme par destination).  
L’enquête de flagrance est le cadre d’enquête utilisé lorsqu’un délit ou un crime vient d’être commis, est en train de se commettre, ou est réputé flagrant. Les pouvoirs importants attribués aux enquêteurs en flagrance sont justifiés par la proximité avec la commission de l’infraction.
La comparution immédiate est une procédure rapide qui permet au procureur de faire juger une personne tout de suite après sa garde à vue, devant le tribunal correctionnel. Elle sert à juger des faits simples et clairs qui ne nécessitent pas une enquête approfondie. L'objectif est d'apporter une réponse pénale immédiate. Elle s'applique notamment pour des délits flagrants punis d'au moins 6 mois d’emprisonnement, comme l’agression physique reprochée à Julie.  
L’audience de renvoi est l’audience de jugement à laquelle le prévenu est renvoyé après avoir sollicité un délai pour préparer sa défense. Ce délai est de droit concernant la procédure de comparution immédiate, c’est-à-dire qu’il ne peut être refusé par le tribunal. En revanche, ce dernier peut ordonner le placement en détention provisoire de la personne qui sollicite ce délai, dans l’attente de l’audience de renvoi, comme ce fût le cas pour Julie.

Les formalités administratives à l’arrivée en prison

 

« Ils m’ont rhabillée, m’ont fait des empreintes, des photos »

 

À son arrivée en prison, Julie découvre le chemin administratif réservé aux arrivantes jusqu’à leurs affectations dans une cellule ordinaire.
Placées temporairement en cellule d’attente à leur arrivée, les détenues sont fouillées à nu puis l’établissement procède à leurs mensurations anthropométriques. Un numéro d’écrou leur est alors attribué. À l’issue de ces formalités, la personne détenue a le droit de prendre une douche sauf en cas d’incarcération nocturne où elle alors est reportée au lendemain.

Le paquetage arrivant

 

« Je suis arrivée avec toutes mes couvertures dans la main. Ils appellent ça le "paquetage arrivant" »

 

Le paquetage dont Julie fait état correspond au « kit arrivant » délivré par l’administration pénitentiaire à chaque détenue à son admission. Il est composé d’un kit hygiène avec des produits nécessaires à l’hygiène corporelle (brosse à dent et dentifrice, par exemple), à l’entretien de la cellule (détergent et liquide vaisselle), de draps, ainsi qu’un kit de correspondance postale en attendant d’être autorisée à appeler depuis la cabine téléphonique de la prison.

La surpopulation carcérale en maison d’arrêt

 

« Ils ont ouvert la cellule et en tout, plus moi, il y avait 6 personnes »

La surpopulation carcérale est un mal chronique des prisons françaises. Au 1er avril 2021, le taux d’occupation des établissements pénitentiaires était de 107% avec 65 126 personnes détenues pour 60 775 places.
La surpopulation se concentre dans les maisons d’arrêt, qui abritent plus des 2/3 de la population carcérale. Le taux d’occupation moyen y est de 120%, contraignant deux à trois personnes – parfois plus – à partager une même cellule, et plus de 700 personnes à dormir chaque nuit sur des matelas posés au sol.
Fondamental, - car il s’agit de garantir à chaque personne incarcérée le droit de disposer d’un espace où elle se trouve protégée d’autrui et peut préserver son intimité - le principe de l’encellulement individuel est ainsi bafoué depuis sa proclamation en 1875. Consacré à nouveau dans la loi pénitentiaire de 2009, son application est sans cesse reportée.
Enfin, la règle du « régime fermé » en maison d’arrêt vient se conjuguer à cette problématique de la surpopulation carcérale. Suivant ce régime, les détenues sont confinées en cellule et ne peuvent sortir que lorsqu’une surveillante vient leur ouvrir la porte pour aller en promenade ou participer à une activité. La plupart des détenues passent ainsi en réalité 22 heures voire 23 heures sur 24 à attendre enfermées ensemble en cellule, souvent devant la télévision (à condition d’en payer la location).
Pour rappel, le Conseil de l’Europe préconise, quant à lui, des activités hors de cellule au moins huit heures par jour.

La douche en maison d’arrêt

 

« Le côté gauche c’est le lundi, mercredi, vendredi qu’on a la douche »

Les douches en prison sont encore majoritairement collectives et installées aux étages. Seuls les établissements les plus récents sont équipées d’une douche individuelle à chaque cellule.
S’agissant de la fréquence, le règlement intérieur type des établissements pénitentiaires prévoit que toute personne détenue doit pouvoir se doucher « au moins trois fois par semaine » et, « dans la mesure du possible, après les séances de sport, le travail et la formation professionnelle ».
La douche quotidienne est donc loin d’être la règle, surtout dans les maisons d’arrêt surpeuplées. Dans celle où était détenue Julie, par exemple, les jours de douche alternaient en fonction du couloir d’affectation (gauche ou droite).
Enfin, aucun texte ne prévoit le droit de se doucher seule, au mépris de la sécurité individuelle et de l’intimité.  
Pour en savoir plus : Le Guide du prisonnier, OIP/ Éditions La Découverte, 2021

Les mandats sur les comptes nominatifs des détenues

 

« Mon premier courrier il y avait dedans mon mandat »

 

Dès l’arrivée en prison, tous les moyens de paiement en possession de la personne lui sont retirés, y compris l’argent liquide.
Les détenues se voient ouvrir un compte nominatif, sorte de compte bancaire géré par l’administration pénitentiaire, qui est notamment alimenté par les sommes que la personne reçoit de l’extérieur, comme les mandats.
Ce compte permet aux détenues d’effectuer toutes les dépenses de la vie courante : achats grâce au système des « cantines », location de télévision, etc.
Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.