Détenues

Épisode

5

Gabrielle (2/3)

Dans cette série, nous donnons la parole aux femmes détenues. Elles représentent 4% de la population carcérale en France.
Gabrielle est une femme transgenre de 50 ans. Elle a été placée en détention provisoire pendant un an à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis dans le cadre d’une information judiciaire.Alors que figure sur ses papiers d’identité la mention « sexe féminin », elle a été affectée dans le bâtiment des hommes, au sein d'une aile spécifique destinée aux femmes transgenres.
Le procès de Gabrielle n'ayant pas encore eu lieu, elle n'a pas souhaité évoquer les faits pour lesquels elle a été incarcérée.
Détenues est une série produite par Insider Podcast sous la direction d'Emilie Denètre et d'Adèle Humbert.

Durée : 
15
min.
3.6.2021
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Gabrielle (2/3)

Nous vous proposons un éclairage d'Eva Goron, avocate pénaliste, sur l'épisode que vous venez d'écouter :

Le mégenrage

 

« Le simple fait de vous mégenrer et de vous appeler par votre ancien prénom est tellement déstabilisant »

Mégenrer signifie littéralement « malgenrer » une personne, délibérément ou non. En pratique, cela signifie utiliser le mauvais pronom ou le mauvais genre pour s’adresser à une personne. Par exemple : dire « il » à propos d’une femme transgenre.
Pendant l’ensemble de son parcours judiciaire et carcéral, Gabrielle a été mégenrée par lesenquêteurs, les magistrats et les surveillants pénitentiaires qui l’appelaient par son ancien prénom masculin.
Les personnes principalement concerné.e.s par le mégenrage sont les personnes transgenres et non-binaires, mais on pourrait aussi citer les personnes cis ayant une expression de genre ne reflétant pas leur identité de genre réelle.

Cantiner en prison

« Pour une féminité qui passe par les lèvres, j’avais cantiné un Bic rouge »

Si on ne souffre plus de famine en prison, les conditions de détention offertes par l'administration pénitentiaire restent très rudimentaires. Elles ne peuvent pas être améliorées par les familles puisque, pour des raisons de sécurité, les détenues ont interdiction de recevoir quoi que ce soit de l'extérieur.
Confrontée à la nécessité d'améliorer les conditions matérielles de détention sans augmenter la dépense publique, l'administration pénitentiaire a donc inventé le système de « la cantine », qui permet à la population carcérale d'effectuer des achats à l'extérieur.
Sorte de magasin interne à l’établissement pénitentiaire, la cantine n’est donc pas un self dans lequel les détenues se retrouvent avec leurs plateaux mais le seul moyen, pour celles qui disposent de ressources financières, d’améliorer leur quotidien en se procurant de la nourriture pour cuisiner leur propre repas en cellule mais aussi des produits d’hygiène, quelques objets, et du tabac.
Pour cantiner, les détenues doivent remplir des bons de commande pendant les jours et horaires définis par le règlement intérieur. Une somme correspondant à leurs achats est alors prélevée sur leur compte nominatif (sorte de compte bancaire interne)puis les produits leur sont livrés certains jours définis.
Les cantines peuvent être gérées soit par l’administration pénitentiaire lorsque l’établissement est en gestion publique (Transgourmet et SAS Marchand, soit par un prestataire lorsque l’établissement fonctionne en gestion déléguée (Sodexo, Eurest, ElioretGepsa).
Les prix sont fixés périodiquement parle chef d’établissement. Sauf en ce qui concerne le tabac et les timbres, ils prennent en compte les frais exposés par l’administration pour la manutention et la préparation. Cette réglementation entraîne d’importantes disparités dans les prix pratiques dans les établissements pénitentiaires.

Source : réponses au questionnaire de la commission d'enquête du Sénat

 

Les interdictions réglementaires spécifiques faites aux détenues transgenres

 

« La féminité, il faut qu’elle soit tolérée par les surveillants. On n’a pas le droit de sortir avec un short trop court par exemple »
De l’avis même de l’administration pénitentiaire, les modalités de prise en charge des personnes transgenres en prison « ne permettent pas de pallier l’inadaptation des établissements pénitentiaires à leur identité de genre ».
Plus particulièrement, faute de directives nationales, chaque chef d’établissement apprécie au cas par cas les mesures à mettre en œuvre pour l’adaptation de leurs conditions de détention, par le biais d’un règlement intérieur.
Le plus souvent, ces règlements interdisent aux personnes transgenres de porter des signes extérieurs conformes à leur identité ressentie en dehors de leur cellule. C’est la raison pour laquelle Gabrielle relate l’impossibilité d’acheter un rouge à lèvres parle biais des bons de cantine, ou encore de raccourcir autant qu’elle l’aurait souhaité ses vêtements.

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Les conditions de détention au sein du quartier d’isolement

 

« On n’a pas le droit à une promenade à l’air libre dans les espaces réservés aux hommes sous le prisme de notre sécurité, ce qui n’est pas faux. »
Les prisons françaises disposent presque toutes d’un quartier d’isolement (QI). Il a été pensé dès l’origine pour mettre à l’écart certaines détenues au sein des prisons et ce, pour des motifs très différents.
L’isolement peut être décidé à l’encontre de prisonnières suspectées de vouloir s’évader ou considérées comme dangereuses, mais il vise également à protéger les personnes vulnérables aux yeux du reste de la population carcérale, comme les personnes célèbres, les forces de l’ordre ou encore les femmes transgenres au sein du bâtiment pour hommes.
 Les femmes transgenres faisant l’objet d’une mesure d’isolement sont ainsi placées seules en cellule et ne doivent avoir en principe avoir aucun contact avec les personnes détenues au sein de la prison. Elles ne peuvent pas participer aux promenades et activités collectives dans les espaces de détention ordinaire.
Au quartier d’isolement de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, Gabrielle était donc contrainte d’effectuer ses seules promenades deux fois par jour, sous le prisme de sa sécurité, dans une petite pièce, sans plafond, faisant office de cour.  
Heureusement, des associations interviennent pour proposer des activités spécifiques aux femmes transgenres au sein de ce couloir, comme « Acminop ».  
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