1000 Degrés

Épisode

7

L'alibi

“Chacun a mis son grain de sel et il y a eu des oublis” 

Pendant plusieurs mois, les journalistes Adèle Humbert et Emilie Denètre ont travaillé sur une ancienne affaire judiciaire. 1000 Degrés est le premier podcast d’enquête français.



Durée : 
18
min.
16.11.2020
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L'alibi

Les failles de l’enquête policière

Dans cet épisode, nous avons pu rencontrer le commandant de police Alcide Fabbro. Il faisait partie du groupe de policiers qui a repris l’affaire du colis piégé de Portet-sur-Garonne à la fin de l’année 94. Il est aujourd’hui à la retraite. Son témoignage est essentiel, il permet d’éclairer les failles de l’enquête qui ont conduit à « des oublis ».

Le commandant Alcide Fabbro porte un regard lucide sur les erreurs qui ont émaillé l’enquête policière de Portet-sur-Garonne. Il est parti à la retraite avant la fin des investigations. Grâce à lui, nous comprenons mieux ce qu’il s’est passé « de l’intérieur »:

       Un suspect désigné :
Selon les propres mots du commandant Fabbro, Daniel Massé était « le suspect désigné » ou que « tout désignait ». Le policier raconte ainsi les certitudes que lui et ses collègues avaient à l’encontre de Daniel Massé et ce, dès le début de l’affaire. Une affaire qui leur semblait d’ailleurs presque « facile » au départ.
Les policiers du SRPJ (Service régional de police judiciaire) de Toulouse reprennent l’affaire à la fin de l’année 94, après la désignation du juge d’instruction, Joachim Fernandez. L’enquête de flagrance avait été confiée à la gendarmerie de Portet-sur-Garonne, et le gendarme Alain Lagarde avait pu nous raconter dans l’épisode 3 à quel point ce dessaisissement l’avait heurté. Dès le début l’enquête, les gendarmes avaient mis en lumière trois pistes:
1.     Daniel Massé ;
2.     Le colis de Paris (piste qui sera refermée par les policiers parisiens) ;
3.     Un autre différend professionnel ou personnel mettant en cause les Hernandez et qui aurait dégénéré.
Le témoignage du commandant Fabbro nous permet de comprendre que la troisième piste a été laissée de côté par les policiers et le juge d’instruction, au moment où ils ont récupéré le dossier.

         Un groupe d’enquête privé de « référent » :
Alcide Fabbro nous apprend par ailleurs que le policier « référent » sur le dossier Massé a été muté à l’étranger quelques semaines ou mois après le début de l’enquête. En conséquence, aucun policier en particulier n’a été chargé de l’affaire et « chacun mettait donc son grain de sel » raconte le commandant de police. Une situation qui va s’empirer avec le temps puisque qu’au fur et à mesure de l’instruction – qui a duré 8 années ! – les policiers du groupe d’enquête partent un à un à la retraite et délaissent le dossier, comme ce fut le cas pour Alcide Fabbro.

         Les « oublis » de l’enquête policière
Parmi les « oublis » des policiers au cours de cette longue enquête, on peut noter :
1.     L’absence d’audition des époux Hernandez par les policiers :
Le 16 décembre 1994, M. et Mme Hernandez sont interrogés une première fois sur les lieux du drame vers 8h30 du matin par les gendarmes. Les époux Hernandez désignent d’emblée le coupable: Daniel Massé. Le PV est très succinct. Plus tard dans la journée, vers 16h30, ils sont auditionnés plus longuement. Ils renouvellent leur soupçon à l’encontre de Daniel Massé, mais ne sont pas interrogés sur d’autres conflits qu’ils pourraient connaître dans leur vie professionnelle et personnelle. Ces deux auditions ont été menées par les gendarmes. Au cours des huit années suivantes, M. et Mme Hernandez ne seront jamais entendus par les policiers du SRPJ. Ils n’auront affaire qu’au juge d’instruction.
Quant à la question d’un autre litige, elle sera bien posée le 16 décembre 1994… mais seulement au beau-père et père des victimes, M. Terrier. Ce dernier a répondu qu’il ne leur connaissait pas d’autres conflits.
2.     L’absence d’enquête de voisinage de la famille Massé :
Daniel Massé, appuyé par sa famille, a toujours affirmé qu’il n’avait pas quitté son domicile la nuit précédent le drame. Selon toute vraisemblance, c’est pourtant à ce moment là – entre 23h et 5 heures du matin – que le colis a été déposé devant l’entreprise Médilens. Le commandant Fabbro explique qu’ « un concours de circonstances » n’a pas permis aux policiers de prouver le contraire.
En réalité, nous avons découvert que ni les gendarmes, ni les policiers n’avaient mené d’enquête de voisinage dans le lotissement de Daniel Massé qui est pourtant un cul-de-sac dans lequel toutes les voitures roulent au pas…
C’est seulement après l’acquittement de Daniel Massé que le président de la Cour d’Assises Richiardi, appelé à siéger quelques mois plus tard lors du second procès, ordonne un supplément d’information comprenant une enquête de voisinage.

Ainsi en décembre 2002, 8 ans presque jour pour jour après les faits, le capitaine de police Michel Roger se rend dans le lotissement  de Daniel Massé et interroge les voisins sur les allées et venues de ce dernier dans la soirée puis la nuit du 15 au 16 décembre 1994. Évidemment, personne ne souvient de rien…
Cet acte d’enquête, s’il avait été mené dès les premiers jours, aurait peut-être permis de trouver des preuves contre Daniel Massé ou, au contraire, aurait pu renforcer son témoignage et celui de ses enfants. Ils ont toujours affirmé que Daniel Massé n’avait pas quitté la maison cette nuit-là.

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